Michael Porter est obsolète ! (2)

Michael Porter fut un économiste de talent qui a beaucoup fait avancer la compréhension de la microéconomie, c’est-à-dire la stratégie d’entreprise. Il faut lui rendre hommage !

Ceci étant fait, le monde qu’il a analysé était celui des révolutions industrielles, caractérisées par des inventions majeures et des marchés de pénurie. Les paramètres fondamentaux étaient la croissance des volumes entraînant des économies d’échelle et ce qu’on a appelé fort justement la courbe d’expérience.

Nous avons vu, dans l’article Michael Porter est obsolète (1) qu’il était désormais possible de dominer à la fois par la différenciation et par les coûts parce que le modèle économique appelé économie de fonctionnalité apporte différenciation et abaissement des coûts par la réduction des volumes et non par leur croissance !

Nous allons voir maintenant que la chaîne de valeur classique, séquentielle, n’est plus adaptée non plus aux besoins d’aujourd’hui et qu’il faut la remplacer par un autre concept la chaîne de valeur en constellation.

Tout le monde connait la chaîne de valeur de Michael Porter.

Elle est importante et décrit bien la problématique de l’entreprise mais cette vision, que l’on retrouve dans le schéma classique dit Porter 1, est fondamentalement basée sur des rapports de force, et cela fausse la vision objective et pousse à des stratégies de confrontation alors qu’il y a beaucoup à gagner à rechercher la synergie des intérêts.

Figure 1

Si l’on applique cette chaîne de valeur, séquentielle, à l’exemple Safechem que nous avons étudié dans le précédent article, cela donne :

Figure 2

Il apparait clairement que chaque intervenant ajoute une contribution à la valeur ajoutée du précédent. Il y a une complémentarité mais aussi une dépendance, d’où le rapport de forces. Le deuxième point négatif est que le modèle s’arrête à la vente à l’utilisateur, ce qui signifie que la phase d’utilisation n’est pas considérée. Ce point est une grosse faiblesse dans certains secteurs. Par exemple, l’analyse du cycle de vie du pneu faite par Michelin a montré que 94% des émissions de gaz à effet de serre provenait de la phase d’utilisation. Par nature, la phase d’utilisation est majeure, surtout pour un produit durable ; il faut en tenir compte.

L’économie de fonctionnalité étant aussi appelée vente de l’usage, toute analyse doit être centrée sur l’usage. Dans le cas de Safechem, l’usage est le dégraissage de pièces mécaniques. La question est alors : qu’est-ce qui contribue à l’usage ainsi défini ?

En en faisant la liste, on obtient la valeur en constellation :

Figure 3

Il faut concevoir, fabriquer, livrer, en l’occurrence dans des conditions réglementées et il faut aussi : protéger l’opérateur des émissions toxiques, assurer le traitement du solvant sale, devenu déchet, par une entreprise habilitée, ce qui suppose aussi une traçabilité, travail documentaire lourd et coûteux.

Safechem, en passant de la vente du produit (et ensuite le client assume toutes les conséquences de la propriété et de l’usage du produit) à la vente de l’usage (pas de transfert de propriété) inclut un ensemble de services cruciaux, enceinte protectrice, retraitement du solvant, ce qui enlève les coûts et toute responsabilité au dirigeant de l’entreprise cliente.

La bonne représentation est alors la suivante :

Figure 4

En bleu clair sont restées les activités traditionnelles, et en rouge apparaissent les activités d’autres fournisseurs, non concurrents de Dow Chemicals, complémentaires, et dont, maintenant, Safechem reprend la valeur ajoutée.

En gérant l’ensemble du cycle de vie, Safechem transforme un consommable ne produit “durable”, abaisse les coûts et absorbe la valeur ajoutée d’autres intervenants.

Le client a plus pour moins cher ! D’où vient le miracle ? Il n’y en a pas : il y a d’énormes économies sur l’énergie et les matières premières, l’abaissement des coûts sur les services en court-circuitant les étapes habituelles.

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Novembre 2017